Portrait : Jérémie Ballarin, co-fondateur de Wanted Community et Chargé de Coordination à la Cité Bleue.

JEREMIE BALLARIN
Le prince de coeur

BORDEAUX


J’ai rencontré Jérémie Ballarin à un atelier qu’il animait à la MIE à Bordeaux. Il y intervenait pour partager son expertise d’entrepreneur dans le domaine de la stratégie digitale et nous donner des clés à appliquer dans la création de notre entreprise. J’avais beaucoup aimé sa manière de transmettre son savoir-faire/être et sa propre expérience de manière très fluide et illustrée. En effet, Jérémie a co-crée il y a plus de dix ans une communauté d’entraide et de coopération sociale réunissant près d'1 million de membres qui interagissent au sein de 86 groupes Facebook dénommée Wanted Community, désormais mondialement connue. Depuis deux ans, il est également Chargé de Coordination à la Cité Bleue à Bacalan, quartier montant de Bordeaux.

Je suis allée l’interviewer lors d’un Mercredi très pluvieux et venteux sur son lieu de travail. Il n’avait pas déjeuné et m’a proposé d’échanger autour de son assiette pommes de terre rôties/poulet en sauce/salade au Garage Moderne à deux pas de son bureau. Ce fut un moment atypique car nous étions entourés par les personnes qui travaillent au sein de ce lieu immense (dont l’artiste néerlandais Theo Jansen). Il y avait beaucoup de vie, de brouhaha, de bruits de fourchette, de conversations et de rires à la bouche pleine. Vous en serez témoin lors des différents extraits tirés de notre entrevue. L’acoustique des enregistrements n’est pas parfait. Jérémie parlait en mangeant. Ca tape, ça résonne, ça sonne, ça gueule en fond sonore…
Moment atypique - Moment authentique.

La Genèse des engagements de Jérémie Ballarin : de son enfance auprès de parents tournés vers les autres à son appétence pour la communication et le collectif, sa soif d’apprendre et sa prise de conscience qui changera tout.

Jérémie Ballarin est né à Bordeaux en 1984 d’un père petit-fils d’immigrés espagnols et d’une mère originaire de Marmande. Il a grandi dans un lotissement à Caudéran. Il est issu de la classe moyenne et dit n’avoir jamais manqué de rien même si le luxe n’était pas au rendez-vous. Son père s’est longtemps cherché professionnellement puis il a finalement travaillé en tant que gérant de tutelle à l’Udaf (Union départementale des affaires familiales). Sa mère a été Secrétaire dans un cabinet d’avocats mais elle s’est vite rendue compte que cela ne lui convenait pas. Sa passion étant la danse, elle a alors passé le CAPES, a été diplômée d’Etat puis a monté sa propre école de danse à Bordeaux. Elle a été professeure pendant quarante ans.
Jérémie est enfant unique. Pour lui, ce statut a eu une importance significative dans sa vie.

Jérémie a eu un parcours scolaire classique dans l’enseignement public, il a passé un bac général puis il a choisi d’étudier en faculté de droit parce qu’il n’était pas encore vraiment connecté à ce qu’il voulait faire. Du moment qu’il était avec des gens, c’était bien le principal. Il aimait ses études mais il n’avait pas de projection assez mature pour se dire ‘Voilà, c’est tel métier que je veux exercer au bout de mes cinq ans d’études’. Pas d’objectif final mais un chemin devant lui. Le droit l’intéresse énormément alors il continue en naviguant à vue. Il obtient deux Masters puis enchaîne avec un stage dans un cabinet d’avocats spécialisé en droit public. C’est pendant cette immersion dans le monde du travail que l’électrochoc survient : il prend conscience qu’il est hors de question qu’il finisse en costume/cravate et qu’on lui fasse faire des taches qui n’ont pas de sens pour lui : il ne fait que du contentieux écrit, pas de plaidoirie… il se dit que cette voie toute tracée aura raison de lui tôt ou tard.
C’est à ce moment-là, en 2008/2009, que le métier de Community Manager commence à émerger. Il n’était absolument pas répandu à l’époque. Une nouvelle manière de communiquer arrive : il y a des plateformes qui permettent de casser cette communication-publicité descendante de marque ou d’institutions envers clients ou administrés. Il y a quelque chose de plus horizontal qui pointe le bout de son nez avec une notion de communauté. Il n’en fallait pas plus pour que la lumière s’allume dans les yeux et dans la tête de Jérémie.

Jérémie avait déjà créé des communautés et il était très actif sur internet depuis un moment déjà. Il a utilisé très tôt Facebook afin de correspondre avec des personnes outre-Atlantique, il tenait un blog pour ses amis. Il savait que ce métier était un moyen de Nous relier. Il teste, essaie tout un tas de choses et commence à avoir petit à petit une vision de la profession. Il se souvient qu’un soir, après être rentré d’une soirée, il a pris un carnet et il a écrit d’un seul jet ce dont il avait envie, ses besoins et son métier. A deux heures du matin, l’épiphanie arrive ! Il a une vision claire comme de l’eau de roche de ce qu’il veut faire et comment il veut le faire.
Grâce à son réseau, il réussit à décrocher un travail en tant que Community Manager à mi-temps dans une agence qui s’est vite transformé en plein temps. Il est hyper motivé, il fait rentrer des clients et se donne à corps perdu. La lune de miel est pourtant de courte durée : au bout de deux ans et demi, son chef lui annonce qu’il le licencie économiquement car l’agence ne va pas bien. La pilule est un peu dure à avaler car Jérémie n’a rien vu venir.
C’est alors que ses clients, la ville de Bordeaux et la French Tech entre autres, lui disent qu’il veulent continuer à travailler avec lui. Il ne se sent pas de monter une entreprise tout de suite donc il passe par la couveuse Anabase qui l’a accompagné et lui a permis de se lancer. Le voilà donc désormais travailleur indépendant. Il a des clients et donne des cours.

D’une idée issue d’un brainstorming avec deux amis en soirée à un phénomène mondial jusqu’à l’atterrissage dans l’Association la Cité Bleue.

En 2012, en parallèle de son travail en freelance, Jérémie fonde la communauté d’entraide Wanted Community sur Facebook, LE réseau social du moment, avec deux amis, Luc Jaubert et Christian Delachet. Jérémie explique comment tout a commencé, l’évolution de ce succès incroyable jusqu’au pavement de sa route vers la Cité Bleue.

Aujourd’hui, Jérémie travaille donc en tant que prestataire depuis un an à plein temps à la Cité Bleue main dans la main avec Zoé, unique salariée de l’association (en photo dans la galerie ci-dessous. Crédit photo : Yann Arthus-Bertrand).  Il a encore un pied dans Wanted Community. Que devient la communauté aujourd’hui ? Quel avenir pour elle ?

La Cité Bleue, ‘zone d’utilité’, c’est quoi?

  • Ancien site des raffineries de sucre Beghin-Say qui a été une des industries les plus importantes de la région.

  • Propriété de la famille Bret-Gaubaste depuis 1986 qui souhaite se tourner vers l’Economie Sociale et Solidaire en 2022. Elle a donné une nouvelle impulsion à la vie du site, en proposant à ses locataires et aux habitants du quartier Bacalan d’unir leurs énergies pour la faire évoluer vers une zone d’utilité. 

  • Le nom de Cité Bleue est un hommage à ce que les habitants appelaient autrefois la « rue bleue », en référence au chemin que les ouvriers empruntaient, vêtus de leurs bleus de travail (source rue89).

  • Inspiration du modèle de l’urbanisme transitoire.

  • 5 hectares en bord de Garonne, 80 résidents.

La Cité Bleue, 110 au 190 rue Achard dans le quartier Bacalan à Bordeaux.

Fibib, le festival international du film indépendant de Bordeaux.

L’engagement bénévole de Jérémie dans plusieurs associations bordelaises :

Jérémie a décidément plus d’une corde à son arc. En parallèle de ses activités professionnelles, il joue un rôle prépondérant dans différentes associations bordelaises.
Au moment où il a cocréé Wanted Community, il a accompagné un projet « le Fifib », Festival International du Film Indépendant de Bordeaux qui a lieu tous les ans en Octobre. Étant féru de cinéma, Jérémie s’y est investi car la cause faisait sens pour lui. Aujourd’hui, il en est le Co-Président.

Il est également dans deux Conseils d’Administration :

  • Celui d’Isulia, festival de musique électronique mais pas que ! Il y a aussi des talks et un festival sur l’engagement de la jeunesse. Il a lieu en Novembre à la Base sous-marine. La personne qui en est à l’origine a été en stage chez Wanted pendant un moment et il paraît tout naturel à Jérémie de lui donner un coup de pouce.

  • Celui de Princesse, l’Autre Institut de Beauté qui est un institut de beauté solidaire qui propose des soins à des personnes qui ne peuvent pas en faire. Il permet d’être mieux dans sa vie par l’estime de soi et son corps. Il a été créé par sept femmes actrices de l’ESS à Bordeaux qu’il connaît. Pour l’anecdote : elles lui ont dit qu’elles aimeraient qu’il y contribue en tant que Prince mais il a répondu que lui, préférait venir en tant que Princesse :).

Pour finir sur une note plus sportive, il est également Président de son club de foot.

Jérémie tient un rôle d’appui pour ces gens qui FONT. Il aime faire partie de ces équipes et apprend plein de choses. Il trouve ça absolument incroyable que toutes ces belles initiatives existent sur le territoire.

Portrait chinois

Quel enfant étais-tu?
J’étais sociable, curieux et couvé.

Quelle empreinte voudrais-tu laisser?
Voir l’extrait de son interview ci-dessous.

Ce que les gens ne savent pas sur toi?

J’aime me retrouver seul. C’est précieux pour moi.

Si tu étais un animal?
Un loup car il évolue en meute.

Ta devise?
Ne pas essayer de réussir mais réussir à essayer.

Endroits que tu préfères à Bordeaux?
L’Impasse Saillan à côté de la Victoire qui se trouve dans un ancien quartier espagnol. C’est là où j’habite avec mon fils et ma compagne.
Le Haut Cenon.
La Cité Bleue.
Le Bar l’Etoile, 64 rue Bouquière.
Le restaurant Lucca, 6 place Rodesse.

L'objet qui ne te quitte jamais?
Mon téléphone et des élastiques pour cheveux.

Si tu devais mourir demain, tu ferais quoi?
J’irais marcher à l’océan avec ma compagne et mon fils.

Tes passions?
Le sport (le football et le basket), la musique (le rap, tout particulièrement), le cinéma, la diplomatie, les actualités internationales, les livres et les podcasts.

Les chansons et livres que tu aimes bien ?
L’Ecole du Micro d’Argent d’Iam.
Enter The Wu Tang de Wu-Tang Clan.
Temps mort de Booba.
Tout Eric Satie.


L’Entraide, l’autre loi de la jungle de Gauthier Chapelle et Pablo Servigne.
La Vie devant Soi de Romain Gary.
Une Histoire Mondiale de la France de Patrick Boucheron.

Les projets dont tu es le plus fier aujourd'hui?
- Mon couple.
- Mon enfant.
- Wanted.

Ta prochaine première fois?
La création de quartiers à la Cité Bleue.

Précédent
Précédent

Portrait : Olivier Mony, journaliste, critique littéraire et écrivain.

Suivant
Suivant

Portrait : Duda Moraes, artiste peintre.