Portrait : Alber, artiste peintre.

ALBER

L’artiste peintre insaisissable

BORDEAUX

Crédit photo : Galerie Barthelemy Bouscayrol

Flora Bonheurs VS Alber.

Avez-vous déjà rencontré fortuitement les œuvres éphémères surprenantes tout en aplats de couleurs, force et contrastes d’Alber, artiste peintre et acteur majeur de la scène artistique bordelaise qui ne montre jamais son visage ? Pommettes saillantes, nez mutins, bouches pulpeuses, regards en coin tour à tour doux, revolvers, interrogateurs, aguicheurs, tristes, perdus dans le vague, perçants… autant de caractéristiques génératrices d’émotions qui colorent la vie et la ville depuis plus de dix ans. 

L’exposition solo “Interlignes“ d’Alber s’est achevée il y a quelques semaines à l’Hôtel Ragueneau en plein centre-ville. Je l’ai rencontré aux côtés du galeriste biarrot Barthélémy Bouscayrol à l’issue de douze jours de bain de foule dans cet espace divisé en plusieurs salles ressemblant à une grande toile blanche sur laquelle l’artiste a posé un éventail éclectique de ses tableaux.
Planquée, au fond, une reproduction de son atelier et de ses spots éphémères pour graffer : des esquisses parsemées sur le sol, un écran de télévision avec le son à fond, des bombes pour tagger, quelques toiles représentant ses fameux visages reconnaissables entre tous, des masques, l’affiche de son exposition et un canapé bleu. Le tout dégageait une atmosphère de brouillon-bordel bien organisé. Dans les autres salles était disposé de manière aérée et aérienne le fruit de deux ans de travail. Impossible de ne pas être interpellé de quelque façon que ce soit par la touche résolument unique de l’ancien graphiste.

Alber, ce gars de ch’Nord hyper sympa tout en gouaille, en a sous les semelles de ses Nike et m’a (presque) tout raconté de ses quinze ans à aujourd’hui.

Quels ont été les déclics pour la pratique du graffiti chez le jeune Alber ?

Alber avait quinze ans et habitait dans le Loir-et-Cher quand il a commencé à s’intéresser aux tags et aux graffitis. Cet attrait fut sans aucun doute apparenté au hip hop et au rap qu’il écoutait en boucle. En parallèle, le mouvement qu’il faisait en dessinant quand il était petit évolue, lui aussi influencé par ces styles de musique. Un jour, un camarade parisien lui montre un des premiers magazines de graffitis et lui colle ses premiers marqueurs dans les mains. C’est ainsi que nait cette passion qui ne l’a plus jamais quitté.

Une autre étape importante : sa rencontre avec d’autres graffeurs plus ou moins de la même génération qui font la même chose dans une ville à côté de chez lui. Ils se retrouvent dans des terrains vague… ces rendez-vous débouchent sur ses premières arrestations pour du graffiti vandale.

Comment le graffiti a été un atout pour ses études puis son premier emploi ?

Alber n’a pas eu son baccalauréat, il cherchait un métier qui allait dans le sens du graffiti, de la lettre, de la création, des logos, du décor.  Il a tout de même réussi à intégrer, avec un prêt étudiant, un BTS spécialisé dans le graphisme dans une école privée. Ce fut une chance car sinon, il était dans l’impasse : il était dans une filière STM mécanique où il ne s’épanouissait pas du tout.
Pendant son BTS, il apprend à travailler sur des logiciels techniques ou encore à appréhender le domaine de la communication. En parallèle, il fait toujours du graffiti et prend petit à petit conscience de ses compétences acquises intuitivement et avec beaucoup de travail sur le terrain (vague).

Alber termine ses études mais n’obtient pas son diplôme même s’il est très bon élève. Pas de diplôme ? Pas d’importance ! Conscient de sa valeur et doté d’une rage de vaincre à toute épreuve, il part à Paris et affûte le style qui deviendra le sien.

Désormais, rien ni personne arrête Alber qui continue de peindre dans la rue autant qu’il peut. Jusqu’au jour où Gautier de la galerie Mathgoth, qui expose Miss Tic en ce moment, le repère et lui met le pied à l’étrier vers les prémices de la notoriété. Se succèdent alors des expositions dans des galeries, le Mur de Paris et les premières ventes de ses œuvres :

Au bout de quelque temps, ne vivant pas encore de son art et n’ayant plus son travail, Alber quitte la capitale. Un de ses amis, graphiste à Bordeaux, l’encourage à le rejoindre et le fait embaucher à Cdiscount où il y travaillera huit ans.

Des membres de son crew de graffeurs ayant déjà emménagé à Bordeaux, Alber peut continuer à peindre et faire des collages mais la pratique est vraiment loin d’être simple : la Belle Endormie d’Alain Juppé est rutilante et  il y a peu de place pour la parole sur ses murs. 
Alber peint tous les week-ends à la Caserne Niel, qui était un grand terrain vague avant que ce soit Darwin, puis de plus en plus dans les rues. Le contexte est plus qu’hostile : il se fait arrêter, cracher dessus par des gens du quartier… mais cela ne le décourage pas. Il n’était pas question que quelqu’un l’empêche de peindre ou lui dise quoi faire… lui, le rebelle ! Kashink avec qui il graffe, contribue à ce qu’il persévère, qu’il ne baisse pas les bras jusqu’à ce que son art décolle et qu’il puisse en vivre aujourd’hui :

Quelle est l’évolution du style d’Alber vers les lignes et les couleurs ?

Pourquoi Alber ne se montre jamais ? Quel est, selon lui,  le petit truc en plus des gens du Nord ? (en mode détente)

Quels sont les projets futurs d’Alber ?

Alber va participer à de petites expos collectives. Il a également un projet avec le Casino de Bordeaux, avec un hôpital psychiatrique et la Mairie de Bordeaux. Il a été approché par des architectes pour collaborer sur leurs propres projets.

L’artiste a aussi besoin de temps de recherches pour peindre de nouveau dans la rue, là où ses envies sont les plus fortes actuellement.

Alber conclut par me dire qu’il trouve drôle que ses oeuvres ait été effacées dans la rue par la Mairie il y a dix ans et qu’aujourd’hui, elle vienne à lui pour collaborer.

« C’est rigolo, ça fait partie de l’histoire. Il faut la raconter. »

Alber nous en met assurément plein les yeux. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter!
Point à l(’)a (inter)ligne.

Alber
@alber_oner

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Portrait : Catherine Cachot, biographe.